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Alain-Claude Galtié

ENTRE REDUCTION ET OUVERTURE

La mémoire nous manque.
Surtout la mémoire qui peut nous montrer clairement l'absurdité du système politico-économique dominant et nous guider pour sortir de l'impasse où il nous enfonce.
Car on ne nous apprend vraiment que la face ténébreuse de l'histoire des hommes; celle qui d'un point de vue étroit, peut donner l'apparence de la crédibilité aux modes de fonctionnement qui détruisent la nature et les sociétés humaines.

LA MEMOIRE MANIPULEE

Notre méconnaissance des origines et des développements de la culture structurée par des valeurs différentes de celles du système dominant est cause d'innombrables doutes, confusions et défiances qui nous tétanisent individuellement et ensemble.
D'autant que l'histoire, et même l'histoire récente des mouvements sociaux, est métamorphosée pour mieux détourner ceux-ci en mettant en vedette des imposteurs au service de la domination.

Certains ne renoncent pas, mais comment pourraient-ils lutter efficacement contre les dominations de si longue expérience avec leur intuition pour seul bagage ?
Contrer le conditionnement et la propagande, et tenter d'amorcer un changement nécessite un énorme travail de critique et de proposition.
Alors, bien sûr, les obstinés gaspillent leur temps et leurs forces à débroussailler des chemins que beaucoup d'autres ont déjà parcourus et décrits.
Au total, c'est tout le mouvement social qui est handicapé par la défaillance de la mémoire.
L'avenir semble sans espoir à ceux qui n'ont que l'intime conviction et l'indignation à opposer à l'arrogance des dominations.

L'amputation du meilleur de la mémoire laisse la place aux doctrines qui interdisent toute évolution en contenant l'intelligence dans les limites d'un univers étriqué.
Quelles sont-elles?

L'anthropocentrisme qui, ayant substitué l'Homme à un Dieu à l'image de l'Homme (1), affirme plus hautement que jamais la domination sur la nature et par conséquent sur les hommes au nom d'intérêts prétendus de la divinité, comme le progrès, la croissance, le développement, le marché mondial, etc...

Autre simplisme réducteur : le matérialisme qui prétend que seul existe ce qui est mesurable et quantifiable.
C'est, nous disent les dictionnaires, la doctrine qui soutient qu'il n'est pas d'autre substance que la matière.
Les mêmes dictionnaires décrivent la matière comme la substance qui constitue les corps, est objet d'intuition dans l'espace et possède une masse mécanique.
En fait, "la matière" est un concept historiquement daté. Longtemps, l'inertie, l'étendue et la masse furent les attributs de la matière.
C'est au XVIIème siècle, avec Galilée, Newton et Descartes que se cristallisa le complément idéologique du matérialisme : le mécanisme, qui limite toute chose à un ensemble d'interactions mécaniques entre des corps solides et affirme que les êtres vivants ne sont que des sortes de machines.
Comptant toujours d'ardents partisans, le matérialisme mécaniste prétend à l'objectivité scientifique voire à la détention de la vérité et, pourtant, ses présupposés excluent des dimensions de l'univers et du vivant et leurs dynamiques, que la biologie, l'écologie, la cybernétique et bien d'autres approches ont révélé.

Avec les recherches de ces deux derniers siècles, les attributs de la matière ne résistèrent pas longtemps.
Il y eut de moins en moins de matière dans "la matière" et de plus en plus d'incertitude dans les têtes.
Le temps fut reconnu, le déséquilibre thermo-dynamique et l'entropie également.
On entreprit de fractionner l'étendue jusqu'à découvrir des particules de masse nulle au repos (photons, neutrinos, gravitons...).
Les dimensions se multiplièrent: quatre avec la théorie gravitationnelle d'Einstein, dix avec la théorie des supercordes, davantage pour d'autres théories.

Maintenant, rejoignant la conception platonicienne d'une matrice communautaire dénuée de toute forme, les physiciens voyagent dans des espaces étranges peuplés de particules virtuelles et éphémères, et d'ondes immatérielles.
"La matière" n'est plus qu'un phénomène à la surface d'un "océan frémissant"(2) sur la nature duquel tout le monde s'interroge.
Han Ryner, dans l'Encyclopédie Anarchiste, soulignait déjà :
"Nous ne connaissons que des phénomènes.
La substance nous est inaccessible et certains philosophes dits phénoménistes nient son existence ou la négligent comme les matérialistes nient l'existence de l'esprit, comme des idéalistes (au sens métaphysique) nient l'existence de la matière.
Si, avec le sourire du XVIIIème siècle, ou avec la rigueur positiviste, nous opposons métaphysique et sagesse, nous répéterons volontiers avec Voltaire : "Les sages auxquels on demande ce que c'est que l'âme répondent qu'ils n'en savent rien ; si on leur demande ce qu'est la matière, ils font la même réponse"".
Et, du spiritualisme au matérialisme, Han Ryner range dans la métaphysique toutes les dissertations sur la substance (3).

Chargés de sens comme ils sont, "matière" et "matérialisme" ne sont pas, ne sont plus des mots innocents.
Ayons garde d'oublier qu'ils ne font référence qu'à une ancienne spéculation sur les niveaux d'organisation du microcosme.
Le concept de matière et la doctrine matérialiste mécaniste se sont figés quand les définitions se sont faites trop limitées pour pouvoir inclure les découvertes ultérieures, telles la relativité générale, la théorie quantique et tout ce qui touche à la connaissance du vivant.

Il y a beau temps déjà que l'idéologie matérialiste mécaniste sert à dégrader la perception complexe et sensible de la nature, du vivant, de l'univers, au niveau d'un vulgaire stock d'objets sans liens entre eux dont l'exploitation intensive devait permettre un progrès illimité.
Ce mythe qui a autorisé un affranchissement de plus en plus poussé par rapport à l'économie des sociétés humaines et de leurs écosystèmes, allait servir à l'édification de l'économisme et de l'empire de la marchandise.
"C'est ainsi que l'idée généralement admise qu'on se fait de la matière conduit la Société à la domination de la force et de l'arbitraire et non à celle de la raison et de la justice qui sont nécessaires à la vie sociale et à la manifestation de la liberté" (Elie Soubeyran dans l'Encyclopédie Anarchiste, page 1477).

Le réductionnisme matérialiste mécaniste, avec ses prétentions totalisantes, nous menace en effet de la domination la plus totalitaire : celle des spéculateurs et des technocrates.

Autre doctrine réductionniste omniprésente dans la culture impérialiste : l'individualisme, bien sûr.
Celui-ci incite à focaliser sur un seul niveau d'organisation, cela par conséquent au détriment de la conscience des niveaux qui le constituent (cellules, bactéries...) comme des niveaux englobants à l'économie desquels "l'individu" devrait participer pleinement (communauté, écosystème, biosphère...).
L'individualisme détourne de l'empathie naturelle pour les autres vivants et pour l'ensemble de la nature (4).
Il dissocie les liens de la solidarité communautaire en stimulant l'égocentrisme et le développement d'intérêts multiples et contradictoires.

Le néo-darwinisme découle de l'idée individualiste.
Bien qu'elle emprunte le nom de Charles Darwin, cette doctrine n'avait pas l'heur de plaire à celui-ci.
Les pères du néo-darwinisme sont surtout Alfred Russel Wallace et Thomas Huxley qui ont rafraîchi une vieille idée de toutes les dominations en détournant l'hypothèse de la sélection naturelle.
Le néo-darwinisme prétend donc que tout n'est que compétition et affrontement : "la lutte de chacun contre tous" (Thomas Hobbes 1588-1679), car les intérêts des individus divergeraient.
C'est cette foire d'empoigne générale qui permettrait aux meilleurs (enfin, aux meilleurs pour la fuite, le combat ou l'embrouille) d'émerger pour conduire les autres sur la voie du progrès.
Le néo-darwinisme et, à sa suite, le "darwinisme social", sont clairement des manipulations idéologiques.

C'est dans ces dogmes que s'ancre aujourd'hui la culture qui veut partout imposer ses vues.
N'est-il pas étrange que ces réductionnismes qui dissimulent la complexité, l'intelligence et la beauté du monde, et justifient la domination et l'exploitation les plus implacables, soient partagés par toute "la Gauche" et qu'ils contaminent même des opposants plus déterminés au système ?
Ce phénomène est reconnu hors de France.
Ecoutons, par exemple, John Clark dont un recueil de textes est traduit en français :
"Il est nécessaire, peut-être plus encore en France que dans tout autre pays, de repenser (et de re-théoriser) le problème de la nature, et de remettre en cause encore une fois l'opposition culture/nature.
Une vision mécaniste de la nature et une subjectivité solipsiste aliénée par rapport à la Terre font partie du lourd tribut que fait payer le dualisme cartésien" (5).
Les offensives très médiatisées contre toute tentative d'élargissement du champ de la conscience et d'affranchissement des processus qui détruisent nature et sociétés le démontrent abondamment.

Donald Worster, dont l'étude éclairante sur les découvreurs de l'économie de la nature est également traduite (6), qualifie très justement d'"impérialiste" la culture qui est transmise par la mémoire officielle.

Dans le prolongement du judéo-christianisme, la culture impérialiste a gommé les notions de bien et de mal appliquées aux relations des hommes avec la grande communauté du vivant.
Tout est permis à qui se croit autorisé à dominer le monde.
Et, pour comble, avec le libéralisme, cette licence totale a été associée à la notion de liberté qui s'est ainsi remplie d'irresponsabilité vis à vis de la nature - et des autres d'une façon générale.
La destruction des formes complexes, le déferlement de la misère et de la violence, l'augmentation de l'entropie à l'échelle de la planète ne résultent pas d'une quelconque fatalité ; ils sont inscrits dans la culture qui préforme la pensée et l'action de beaucoup trop de gens.

D'UN OBSCURANTISME A L'AUTRE

La plupart des personnages que l'on nous invite à admirer sont les pères de la culture impérialiste :

- Galilée qui croyait que l'on pourrait exprimer l'univers en quelques équations et que le progrès de la technique résoudrait tous les problèmes.
Une illusion encore bien vivante malgré les problèmes créés par des techniques intrinsèquement nuisibles ou appliquées sans être maîtrisées.

- Descartes qui confirma la séparation judéo-chrétienne du corps et de l'âme, de l'Homme et de la Nature.
Pour Descartes, l'homme est, de tous les êtres matériels, le seul à avoir une conscience.
Ainsi, il soutient que les autres êtres vivants ne sont que des machines, des automates indifférents à la douleur, au plaisir et à tout autre sensation ou sentiment.
Traduction pratique de sa vision réductrice : pour étudier l'anatomie, Descartes le mécaniste -"machiniste" disait Voltaire- découpait vivants des animaux, sans conscience du mal qu'il faisait.
Les animaux n'étaient-ils pas des automates ?
Les hurlements qu'ils poussaient n'étaient-ils pas les bruits des rouages d'une mécanique?

- Francis Bacon pour qui le savoir doit être orienté vers la domination de la nature.
Point question, donc, d'une connaissance étendue au gré de la curiosité et permettant pratiquement de s'adapter souplement à la complexité ou, simplement de se couler dans la vie.
A force de lutter contre la nature avec les moyens de la science et de l'industrie, l'homme se construira un paradis car "le monde est fait pour l'Homme et non l'homme pour le monde".

- Emmanuel Kant qui, lui aussi, sépare l'humanité et le monde.
Il systématise une "Raison pure" qui chosifie les hommes et toute la vie et, en cela, peut servir n'importe quelle finalité étrangère à l'intérêt commun.

Tout cet effort visant à affranchir une projection de la bourgeoisie occidentale -l'Homme- de tout contexte perçu comme contraignant et à justifier sa domination sur le monde trouve son aboutissement dans les idées d'Adam Smith et de Thomas Ewbank.

- Adam Smith vante le marché libre de toute contrainte où peuvent se déchaîner toutes les cupidités, car, croit-il, la résultante de toutes les interactions, même au sein d'une compétition sans inhibition, est globalement bénéfique pour tout le monde (théorie de la régulation par "la main invisible du marché").

Sans doute Adam Smith envisageait-il l'application de ses idées dans un contexte homogène où toutes les forces seraient équilibrées et où nul ne pourrait imposer sa volonté aux autres.
Sans doute n'a-t-il pas imaginé que l'on pourrait se servir de sa réflexion pour, deux siècles après sa mort, dissimuler sous l'apparence d'une justification rationnelle le nouvel impérialisme : un marché dérégulé imposé à des populations et à des régions aux cultures incomparables et aux potentiels disproportionnés.
Car que l'on ne s'y trompe pas, le discours idéologico-scientiste dont nous abreuvent économistes, industriels et politiciens n'est que le travestissement d'une mentalité de pillards.

De toute façon, les idées d'Adam Smith souffrent d'un vice initial majeur : c'est cette vision d'un monde régi par la compétition et le conflit, d'où découle la croyance que le capitalisme serait en phase avec les réalités premières de la vie.
Pour Smith et, depuis la plupart des économistes, la nature n'est guère plus qu'un entrepôt de "matières premières" destinées à être changées en argent et l'homme industriel et capitaliste doit lui donner du sens.

- Thomas Ewbank a publié en 1855 "The world a workshop" (Le monde, un atelier) dans lequel Donald Worster voit "un sommet de la tradition impérialiste".
Et, en effet, Ewbank a proclamé que la nature avait été faite "pour le développement et la mise en application de la science chimique et mécanique, bases du progrès de l'homme"!

- Karl Marx ne mérite pas vraiment de figurer dans cette liste puisqu'il s'inscrit dans le développement de la critique des systèmes de l'exploitation destructrice.
Cependant, il reste limité au matérialisme mécaniste et reconduit la domination sans condition de l'Homme sur la nature.
La confiance de Marx et de ses continuateurs dans la technique et l'industrialisation les désigne comme des héritiers de Francis Bacon.
Dans la ligne de la pensée impérialiste, ils professent même que l'Homme peut améliorer la nature !
Nous voyons, à l'Est, que le marxisme n'a pas mieux réussi que la version capitaliste de l'idéal baconien.

- Récent sursaut de la pensée impérialiste inquiétée par l'ampleur de la critique (et de ses propres échecs?), un groupe de scientistes à la solde des industriels a rédigé l'Appel de Heidelberg (7).
Les signataires y apportent "un soutien inconditionnel au libéralisme sauvage et à la main-mise du système industriel sur la science et l'éducation" (8).

Ce classement peut paraître abrupt mais il vise moins les hommes que l'utilisation qui, aujourd'hui encore, est faite de leur image et l'idéologie que celle-ci sert.
En effet, ceux qui disent s'inspirer d'eux ont fait de leurs réflexions, non des moments de recherche avec leurs doutes et leurs fourvoiements, mais des dogmes indépassables, des objets idéologiques, les étendards de la machine de guerre impérialiste.
A la décharge de ces hommes, il faut reconnaître aussi qu'ils étaient évidemment très influencés par le fond culturel qui dominait plus encore leur époque que la nôtre.
Ainsi, même en croyant se libérer, ceux-là et beaucoup d'autres n'ont fait que rajeunir une déformation de la réalité introduite par le judaïsme et reprise par le christianisme et l'islam.
A la différence de toutes les autres, cette tradition religieuse introduit le patriarcat (donc la domination interne à l'espèce et même à la famille) en faisant naître la femme de l'homme.
A cette première inversion s'ajoutent la séparation de l'Homme et de la Nature et un changement radical dans la perception de celle-ci : d'accueillante et de Mère elle devient le temple des puissances maléfiques.
Comme Lynn White le soulignait, ce sont là les premières racines de la crise écologique (9).

DERAISON DE LA "RAISON"

Voilà longtemps que des hommes dénoncent les dangers de cette forme de pensée.
Dans l'élan enthousiaste de la libération des anciens arbitraires, il est possible que l'on ait pu la croire émancipatrice parce qu'elle niait le surnaturel, invoqué par les vieilles dominations, en empruntant à une science débutante.
Las, cette science mésestimait l'ampleur de son ignorance et rejetait d'avance tout le naturel qu'elle ne percevait pas.
Elle donna naissance à une rationalité myope et rigide, soucieuse de la perfection de la technique et de l'accumulation de marchandises, et non de la vie, du bonheur d'être, et des conséquences de ses applications.
C'est la fermeture et la sclérose de cette pensée qui ont autorisé un affranchissement de plus en plus poussé par rapport aux fonctionnements des sociétés humaines et de leurs écosystèmes, et permis le développement de nouveaux mythes dominateurs.

"(...) l'entendement qui triomphe de la superstition doit dominer la nature démystifiée.
Le savoir, qui est un pouvoir, ne connaît de limites ni dans l'esclavage auquel la créature est réduite, ni dans la complaisance à l'égard des maîtres de ce monde."
"(...) l'adaptation au pouvoir du progrès implique le progrès du pouvoir." (10)

Présomption et infatuation, ignorance de l'économie de la nature, négation de la plupart des dynamiques sociales et écologiques génératrices d'évolution, réduction de la vie à ses constituants matériels et capitalisation des restes, désagrégation de l'intérêt général en intérêts particuliers opposés, spéculation, compétition, domination et mépris pour toute la vie sont les traits marquants de la culture qui guide depuis trop longtemps l'action de la plupart des acteurs économiques et politiques.
A la lumière des résultats, nous pouvons dire que la prétention première à créer une rationalité étrangère à l'économie de la nature a, comme il est logique, accouché de l'irrationnel.

On peut encore se demander quelles forces maintiennent en vie une culture qui correspond à l'âge ingrat du développement scientifique, quand les connaissances acquises tout au long de l'histoire des peuples étaient rejetées pêle mêle avec une partie, une partie seulement de la propagande des vieilles dominations.
A la suite de Max Horkheimer et Theodor Adorno, il ne semble pas inutile de souligner que, même si de nombreux scientifiques et philosophes s'y trouvent mêlés, le développement et la longévité de la culture impérialiste doivent beaucoup plus à l'histoire de la domination et de la pathologie sociale qu'à l'aventure de la connaissance.
C'est la vieille idée de domination qui, trouvant dans les excès d'un mouvement scientiste avide de reconnaissance son terreau le plus fertile, s'est emparé de celui-ci pour retourner complètement ce qui avait menacé d'être un élan émancipateur.
La plupart des chercheurs ne sont-ils pas au service des mercanti ? En fait, le fond du problème est d'ordre psychologique, quasi psychiatrique.
Dans la civilisation impérialiste, la pathologie a pris le pas sur la sagesse et la raison.
Que l'on considère des parcours individuels ou l'histoire des peuples "occidentaux", on constate que la frénésie de ceux qui sont tenaillés par le besoin de compenser un déficit en dominant et possédant subjugue la plupart des gens tranquilles ; et cela d'autant mieux que ceux-ci ont appris à croire que telle est la normalité.
On marche sur la tête!

Il est impossible d'espérer résoudre la crise socio-écologique planétaire sans la complète remise en cause de la culture qui l'accompagne.
Il nous faut renouer avec la connaissance de l'autre culture, de cette pensée qui, au sein de chaque peuple, s'est développée sur la base de l'étude de la vie, de la vie des hommes, de la vie de la nature, de la vie des hommes dans la nature.

DE LA PRESCIENCE A LA CONSCIENCE

La culture caractéristique de la civilisation industrielle, qui est le support d'une idéologie impérialiste, tant vis à vis de tous les êtres vivants -dont les hommes- que des écosystèmes et de la biosphère, refoule vers l'oubli à chaque génération les savoirs et la pensée qui ouvrent sur d'autres perspectives.
Presque tout l'espace mental est occupé par les messages qui visent à servir la reproduction des appareils de domination.
Ainsi, le simplisme des représentations, la limitation du champ des connaissances transmises à la plupart, sa focalisation sur la concentration du pouvoir et la production de marchandises et, donc, l'insuffisance des moyens d'appréhension de l'autre monde, du monde vivant, tendent à désarmer l'imagination et le désir d'entreprendre, ne serait-ce que pour se défendre.
Même ceux qui résistent et voudraient sortir de l'engrenage sont handicapés par ce perpétuel travail de sape.
Exemple commun : la difficulté à dépasser l'opposition aux structures dominantes pour aborder la phase constructive ; et, même, la difficulté à dépasser l'idée de substituer à la domination une autre domination.
Cela se traduit avant tout par le caractère négatif des définitions de ce que l'on veut représenter.
On est contre la pollution, contre le gaspillage, contre le capitalisme, à la limite : pour l'organisation sans domination ; on conteste, on rejette, on récuse...
Le terme "alternatif" lui-même fait référence à ce que l'on n'aime pas.
Si l'on se sent plus à l'aise dans la négation que dans l'affirmation, si l'on n'arrive pas à s'entendre pour construire ensemble, serait-ce parce que nos amours et nos espoirs pèsent trop peu face aux semblants de rationalité d'une civilisation fourvoyée ?

Pourtant, des libertaires et des écologistes pressentent les formes de l'accord entre la vie des individus et les dynamiques du groupe, de la société, de l'écosystème, de la biosphère.
Cette référence permanente au phénomène de la vie, à son économie, cet effort vers l'harmonisation de l'économie des sociétés humaines avec celle-ci, qui est l'économie englobante, ne sont-ils pas les plus constructifs qui soient ?
Alors, d'où vient l'impuissance répandue à se définir positivement, voire à penser et agir autrement qu'en se référant au système impérialiste, qu'ainsi l'on renforce plus qu'on ne l'inquiète ?
L'origine n'en est-elle pas une grande méconnaissance de l'économie de la vie chez ceux-là mêmes qui prétendent montrer à tous le chemin?

Ceux qui nous ont ouvert la voie sont assez nombreux et crédibles pour que l'on ose faire mieux que de s'affirmer en creux par rapport aux valeurs de la domination.

Pourvu que nous retrouvions la mémoire, nous pouvons nous affirmer en relief.

Sur des rivages très éloignés des tristes terres impérialistes, nos prédécesseurs ont fait pour nous de belles récoltes.

RETROUVAILLES AVEC LA VIE

- Au XVIIIème siècle, le médecin et géologue James Hutton qui influencera Charles Lyell, l'un des maîtres de Charles Darwin, conçoit "le globe habitable" comme une sorte d'organisme vivant.

- Ecologiste avant la lettre, Gilbert White célèbre la communion avec la nature.

- Parallèlement à Erasmus Darwin (grand-père de Charles), Jean-Baptiste de Lamarck élabore la théorie évolutionniste que reprendra Charles Darwin.
Dès lors, la reconnaissance de l'évolution inspirera les penseurs révolutionnaires.

Sa thèse sur l'hérédité des caractères acquis sous l'influence du milieu, qui a été tant décriée par Darwin et ses plus ou moins dignes successeurs, trouve des confirmations dans les résultats d'études contemporaines (sur la symbiose, par exemple).

- Goethe -qui était naturaliste- Schelling, William Wordsworth et d'autres romantiques réunissent l'esprit et la matière, les hommes et la nature dans un grand courant organique.

- Alexander Von Humboldt distingue les différents types d'ordres économiques naturels, depuis les déserts glacés des pôles et des sommets jusqu'aux forêts tropicales primaires.
Parallèlement, il intègre toutes les formes biologiques dans un "grand tout animé par le souffle de la vie".
Influencé par Goethe qu'il connut, il l'influencera à son tour, ainsi que Charles Lyell, Thomas Jefferson, Darwin, Thoreau et bien d'autres.

- Henry David Thoreau, le naturaliste "philosophe dans les bois", rejette lui aussi le culte de l'Homme.
Thoreau veut être comme un Amérindien "une vie dans la vie".
Plus d'un siècle avant l'écologie profonde de Arne Naess, il est "la nature qui contemple son propre reflet".
Sa philosophie et son activisme non-violent (il est l'auteur de "La désobéissance civile") inspireront Gandhi.

LE CHAOS ET LA COMPLEXITE

- Sadi Carnot en 1824 et Rudolf Emmanuel Clausius 26 ans plus tard contribuent à préciser le second principe de la thermodynamique.
Celui-ci relativise l'état de tout phénomène ou de tout système par rapport à la tendance générale à la régression vers l'inertie, autrement dit vers l'homogénéité la plus grande, vers le chaos.
La pente de la dégradation de l'énergie est caractérisée par la notion d'entropie.

La thermodynamique inclut une dimension qui n'était pas prise en compte par la science mécaniste : le temps et son irréversibilité.
Elle révèle aussi le déséquilibre énergétique et, par extension, tous les écarts, toutes les différences de potentiel sans lesquels il n'y aurait pas d'organisations complexes et, donc, pas de vie.
Par contraste, elle souligne la complexification à l'oeuvre dans les oasis de l'univers (tel le système solaire) et, tout particulièrement, l'effort constant du vivant à créer de l'hétérogénéité (de la diversité), de la sensibilité et de l'intelligence.

- Charles Darwin partage avec Alfred Russel Wallace la paternité de la théorie de la sélection naturelle.
Mais, tandis que Wallace accordera toujours une place prépondérante aux conflits et à la compétition, Darwin relativisera beaucoup l'importance de celle-ci comme principe organisateur de la vie et moteur de l'évolution.
Observateur attentif des relations d'interdépendance, Darwin reconnaît, en 1871 dans "The descent of man" (Les ancêtres de l'homme), que chez nombre d'espèces la "sympathie mutuelle" est plus constante que la lutte égocentrique.
Il ne reste pas prisonnier du niveau d'organisation individuel et souligne que, pour leur utilité, la sélection naturelle a favorisé "l'instinct social" et la coopération.
Il considérait d'ailleurs qu'il ne peut y avoir aucun antagonisme entre nature et culture puisque celle-ci est aussi un fruit de l'évolution.

La diversité lui inspire le principe de divergence qui décrit la tendance à l'invention de nouvelles relations et de nouveaux modes de vie, à la création de nouvelles formes qui permettent d'éviter la compétition pour le même espace écologique.
Avec la reconnaissance de la diversification des formes de vie, il introduit la notion de complexification.

- Dès la fin des années 1880, Pierre Kropotkine dénonce les néo-darwinistes -tel Thomas Huxley- qui s'empressent, pour des motifs idéologiques, de généraliser la "lutte pour la vie" à des niveaux auxquels elle n'est pas pertinente : "Ils firent retentir la littérature moderne du cri de guerre Malheur aux vaincus, comme si c'était là le dernier mot de la biologie moderne" (11).
Inspiré par Darwin lui-même et par beaucoup d'autres naturalistes, Kropotkine identifie "l'entr'aide" comme dynamique contrebalançant la prédation, et principal facteur de l'évolution.

Kropotkine ouvre son regard sur les communautés de bactéries et de cellules qui forment les plantes et les animaux, et sur les niveaux d'organisation plus complexes (sociétés, écosystèmes, ensemble vivant), là où se révèlent clairement les dynamiques de la coopération et de l'intégration qui -naturellement- conduisent la plupart des actes individuels.

Faut-il rappeler que Kropotkine est un théoricien libertaire...
C'est très logiquement que sa connaissance de l'économie de la vie éclaire ses options politico-économiques.

- A la fin du XIXème siècle, le géobotaniste Eugenius Warming précise les liens qui unissent tous les organismes en "une seule existence commune" et souligne que toute formation écologique évolue vers le niveau le plus complexe et le plus stable possible -le climax- en fonction de son environnement, c'est à dire en fonction de l'économie du niveau englobant.

- Après Warming et Henry C. Cowles, Frederic Clements enrichit l'écologie dynamique qui décrit le mouvement vers la complexification des communautés biologiques.
Il souligne que l'unité écologique (la formation climacique) est "un être organique d'un type différent avec des propriétés nouvelles".

- Henri Salt "fait des liens familiaux avec la nature la pierre angulaire d'une nouvelle civilisation où l'éthique humaine serait assez large pour inclure tous les êtres sensibles et où l'homme et la nature seraient enfin réunis" (Worster, voir note 18).
Comme Thoreau, sur lequel il écrivit, il compte beaucoup dans la formation de Gandhi qui était son ami et qui, à son tour, prônera l'harmonie avec l'économie de la nature, c'est à dire la sobriété, l'auto-suffisance matérielle et la convivialité.

- Dès les années 1920, Lewis Mumford mène campagne pour une culture organiciste.

- Géochimiste, Vladimir Vernadsky réalise que la vie façonne la planète et son atmosphère pour créer et entretenir les conditions nécessaires à son développement.
Il utilise le vocable "biosphère" pour désigner l'environnement global qui comprend l'ensemble des formes vivantes.

- Logicien de réputation mondiale et philosophe, Alfred North Whitehead dénonce vigoureusement le matérialisme mécaniste qui ferme les esprits.
En regard, Whitehead souligne les interrelations et les dynamiques qui font de l'univers entier non point une machine mais un organisme toujours en auto-création.
Comme Kropotkine, il accorde aux différentes formes de l'aide mutuelle la place déterminante dans l'organisation et le développement du monde vivant.

- Dès 1865, Claude Bernard remarquait que la "constance du milieu intérieur est la condition essentielle d'une vie libre".
Au début des années 1930, le physiologiste Walter B. Cannon qualifie d'homéostasie la conservation de la forme et des fonctions des systèmes organiques par le jeu interactif de multiples régulations.

ET LA MATIERE S'ESTOMPA

- Jan Christiaan Smuts précise le holisme qui exprime le fait que le tout est plus complexe que la somme des parties qui le composent.
Autrement dit, des éléments associés peuvent donner naissance à une entité ayant des propriétés sans commune mesure avec celles de ses constituants.

- Lloyd Morgan formule la théorie des émergences selon laquelle l'évolution procéderait par sauts de complexité croissante (de l'atome à la molécule, de la molécule à la bactérie, de la bactérie à la cellule, de la cellule à l'individu, de l'individu au groupe social, etc...).
Avec la théorie de l'évolution émergente s'affirme une approche verticale de l'économie de la vie.

- Pour Lloyd Morgan et William Morton Wheeler, écologiste de Harvard et collègue d'Alfred N. Whitehead, il s'agit des émergences, pour Ralph Gerard, de l'école d'écologie de Chicago, des "orgs", pour Arthur Koestler des "holons", pour Ludwig Von Bertalanffy, Ross Ashby et Paul Weiss, des "systèmes", pour Henri Laborit des "niveaux d'organisation" ou "niveaux de complexité".
Ces appellations désignent les structures qui ont ou qui ont eu une capacité d'autonomie (comme la bactérie, la cellule, "l'individu", la communauté, l'écosystème...), qui sont irréductibles au niveau qu'elles englobent, qui sont elles-mêmes constituées d'émergences, d'orgs, de holons, de systèmes, de niveaux d'organisation, et qui, en s'associant, en construisent de plus grands et de plus complexes.

Cette compréhension de l'économie du vivant est beaucoup plus ancienne que la science moderne.
On la retrouve, en effet, dans des philosophies traditionnelles (chinoise, bouddhiste, hébraïque).
"Depuis le frémissement du point suprême jusqu'aux confins des choses, elles sont toutes enveloppées les unes des autres, cerveau à l'intérieur d'un cerveau, souffle au-dedans d'un autre souffle, ainsi emboîtés, l'un est l'écorce pour l'autre et ainsi de suite", extrait d'un texte hébraïque ancien rapporté par Henri Laborit dans "Dieu ne joue pas aux dés".

- A partir des années 1940, avec la cybernétique, la théorie de l'information, la théorie des systèmes, puis l'analyse systémique, des gens comme Bertalanffy, Ashby, Weiss, Norbert Wiener, John Von Neumann, Warren Mac Culloch, Evelyn Hutchinson, etc... formulent ce que beaucoup s'étaient efforcés de cerner avec d'autres mots : l'information "qui n'est ni masse ni énergie" est le principe organisateur de toute chose.
Depuis, grâce à l'identification des différentes actions régulatrices internes et externes à un système, grâce aux notions d'ouverture et de fermeture sur le plan thermodynamique ou informationnel, grâce à la distinction entre information-structure et information-circulante, la construction organique de la biosphère apparaît plus clairement que jamais. Gregory Bateson et Henri Laborit ont contribué à élargir ce nouveau domaine de la connaissance (12).

- Forestier, Aldo Leopold a été formé à gérer la nature comme un magasin mais il découvre l'interdépendance de toutes les espèces et l'unicité organique de la Terre.
En 1947, il écrit "L'éthique de la terre" où il expose le sentiment communautaire qui devrait unir les hommes à tous les autres êtres vivants.

- Des années 1920 à 1950, Warder C. Allee, Thomas Park, Ralph Gerard, Alfred Emerson, Karl Schmidt et Orlando Park composent le Groupe écologique de l'université de Chicago.
Avec beaucoup d'autres chercheurs, dont le sociologue Robert Park, ils soulignent à leur tour l'interdépendance comme étant "une caractéristique fondamentale de la matière vivante".
Ils ajoutent que l'intégration croissante appartient, comme la diversification et la complexification, à la stratégie de l'évolution.

- Nicholas Georgescu-Roegen stigmatise, depuis le milieu du siècle, l'archaïsme de la "science économique" dominante (l'économisme).
En effet, celle-ci n'intègre pas le second principe de la thermodynamique, ni, bien sûr, l'évolution et la complexification de l'information sur fond d'entropie croissante, ni les acquis de la révolution informationnelle (cybernétique, analyse systémique...), ni l'écologie, même dans sa réduction quantitative.
La "science économique" qui guide tous les dirigeants politiques et presque tous les syndicats en est restée à la conception mécaniste d'une nature inépuisable; elle n'inclut donc même pas l'irréversibilité de l'écoulement du temps.
C'est pourquoi, par exemple, ses calculs ne font apparaître aucun passif.
Même l'accident, même la pollution et les maladies qu'elle engendre, même la destruction la plus épouvantable sont portés à l'actif de l'activité économique, car pour la "science économique", la disvaleur (I. Illich) a une valeur positive !
Allant à contre-courant de la logique du vivant, l'économisme semble s'évertuer à produire le maximum d'entropie possible.

En intégrant les limites imposées par l'économie générale de la vie, en rompant avec l'anthropocentrisme, en remettant l'économie humaine à sa place : produire un "flux immatériel" de satisfactions, N. Georgescu-Roegen construit les bases d'une bioéconomie (13).

L'UNITE DE LA DIVERSITE

- Dans les années 1960, Paul Ehrlich et Peter Raven inventent le concept de coévolution pour caractériser les relations de coopération entre espèces différentes (commensalisme, mutualisme, symbiose...)

- Murray Bookchin est de ceux qui dénoncent la responsabilité originelle des fantasmes de domination et de possession, de toutes les formes d'arrivisme et d'exploitation, de la hiérarchisation sociale enfin, dans la destruction des sociétés et de la nature.
Bookchin, qui s'inspire de Kropotkine et de la longue tradition du mouvement social libertaire, souligne la complémentarité naturelle de la culture écologiste avec la philosophie et la pratique anarchistes : (...) l'écologie est intrinsèquement une science critique -à un point que n'ont jamais atteint les constructions les plus radicales de l'économie politique- (...) c'est une science qui intègre et qui synthétise.
Et ce dernier aspect, si l'on en tire toutes les implications, rejoint, en gros, la critique anarchiste de la société".
De la rencontre des deux traditions, il fait naître l'écologie sociale (14).

- Ernst F. Schumacher dénonce lui aussi le scientisme matérialiste et mécaniste qui fausse la compréhension du monde et dicte les actions destructrices.
Ainsi, la prétendue science économique, forte de son ignorance de l'économie de la vie et de son environnement (la "méta-économie"), bénit-elle la dilapidation du capital créé en trois milliards d'années d'évolution ; et cela pour ne contenter qu'une petite minorité de la population, tandis que se développent comme jamais la désertification et la misère. E.F. Schumacher rejoint Gandhi pour pourfendre les vertiges de la cupidité et de la mégalomanie qui entraînent vers la violence contreproductive de la production de masse.
C'est donc la "production par les masses", avec des outils et des objectifs maîtrisés par les communautés (outils conviviaux, communaux et démocratie participative), qu'il est vital de réaliser (15).

- Ivan Illich développe une critique décapante de la surindustrialisation, de la surprofessionnalisation et de toutes les dérives induites par la croissance matérialiste qui rongent la personne, les sociétés et la nature.
Il dénonce le franchissement des seuils d'inutilité puis de nuisibilité par les outils techniques et institutionnels censés se substituer au travail de la plupart et aux relations sociales, car ces "outils" qui n'en sont plus échappent au contrôle des sociétés.
Contre l'outil dévoyé qui assujettit l'homme à ses besoins grandissants, contre la recherche de la puissance et de la surabondance matérielle qui asservit et produit de l'entropie (de la disvaleur), Illich propose la convivialité.
Celle-ci peut se construire sur la base du choix d'une "austérité joyeuse" servie par des outils maîtrisables par tous à chaque instant.
L'oeuvre d'Ivan Illich est un plaidoyer pour les communaux, ces biens et ces outils gérés de façon communautaire.
Car l'histoire que l'on ne dit guère, celle de la domination et de l'exploitation, c'est la spoliation des communaux, leur destruction et la suppression des modes de vie autogérés pour changer les hommes autonomes en consommateurs et en assistés, nouveaux esclaves d'une domination plus implacable que toutes les précédentes (16).

- James Lovelock et Lynn Margulis, avec la théorie Gaïa, s'appliquent, depuis plus de vingt ans, à décrire la physiologie du grand organisme vivant à la constitution duquel tous les êtres concourent.

Microbiologiste, Margulis s'affirme dans la continuité de biologistes de la fin du siècle dernier et du début de celui-ci -dont Andrei S. Famitsin, Boris M. Kozopoliansky, Konstantin S. Mereschovsky et Ivan Wallin- qui avaient su voir que la symbiose jouait un rôle important dans l'émergence de différentes formes de vie.
Margulis souligne que ce sont les bactéries qui, durant les deux premiers milliards d'années de l'évolution biologique, ont colonisé la Terre, modelé l'atmosphère et inventé les techniques qui allaient permettre le développement de la vie complexe.
Ensuite sont apparues les cellules à noyaux (les eucaryotes) voici un milliard et demi d'années.
Beaucoup plus complexes que les précédentes, celles-ci, qui allaient former les tissus des végétaux et des animaux, se sont constituées par alliance symbiotique entre bactéries.
Ainsi, au coeur des cellules, des éléments (organites) essentiels à la vie telle que nous la connaissons sont les descendants de bactéries libres.
Tel est le cas des chloroplastes qui assurent la photosynthèse et des mitochondries responsables de la respiration aérobie des cellules animales.
Très loin, donc, du monde de Thomas Hobbes, Alfred R. Wallace, Thomas Huxley et de la plupart des économistes, très loin de la simplette "loi de la jungle" qui est la pierre angulaire de la pensée impérialiste, la coopération et la symbiose apparaissent comme les dynamiques essentielles de l'évolution.
Comme le soulignait déjà Kropotkine et comme Darwin lui-même l'avait relevé, la sélection naturelle a plébiscité les différentes formes de l'entr'aide pour leur efficacité.
Elles permettent, en effet, de créer de nouvelles entités qui sont bien plus que la somme des propriétés, des savoirs et des intelligences des parties qui les composent.
"Bactéries mises à part, tous les organismes, absolument tous, sont le résultat de l'association de plusieurs organismes individuels, qui se sont rencontrés dans le lointain passé, se sont unis par intérêt mutuel, ont mis leurs gènes en commun, et ont donné lieu à des organismes complexes de plus en plus performants" (17).

- Philosophe des sciences, Arne Naess dénonce l'idéologie anthropocentriste.
En réaction à un environnementalisme essentiellement matérialiste et mécaniste, il crée le concept d'écologie profonde pour souligner la nécessité de s'intéresser avant tout à notre relation avec le phénomène de la vie, car "tant que les hommes ne se sentiront pas unis à la nature, aux autres êtres et aux paysages, l'économie aveugle continuera".

- Edward Goldsmith a créé, à la fin des années 1960, le mensuel The Ecologist qui est toujours un remarquable support d'information et de réflexion écologistes.
Il vient de publier une somme où il fait le point des connaissances et des concepts constitutifs de la culture écologiste et conviviale : "The Way" ("Le défi du XXIème siècle") (18).

Comme Pierre Kropotkine, il constate que "la coopération est le mode essentiel de relation gaïenne".
Toutes les structures vivantes (émergences, orgs, holons, systèmes, niveaux d'organisation) coopèrent dans le but de construire d'autres systèmes ou niveaux plus grands et complexes (jusqu'au plus grand : la biosphère) et d'assurer leur homéostasie.
C'est ainsi qu'en retour elles bénéficient d'un environnement protecteur et agréable.
"C'est par le maintien de la structure globale de l'organisme que le maintien de la structure de chaque niveau d'organisation peut être réalisé", Henri Laborit, "Dieu ne joue pas aux dés".
Edward Goldsmith baptise "homéotélie" (du grec homoios, même, et telos, objectif) l'imbrication des intérêts des structures vivantes autour d'une même finalité.

A l'inverse, est hétérotélique (de heteros, différent) ce qui ne coïncide pas avec le maintien de la structure d'ensemble; à fortiori un intérêt particulier en conflit avec l'intérêt général.
La volonté de dominer et le capitalisme sont totalement hétérotéliques par rapport à tous les niveaux d'organisation écologiques et sociaux, jusqu'à la biosphère en son entier.

Comme Gandhi, E.F. Schumacher et I. Illich, Edward Goldsmith souligne que la sauvegarde de l'avenir et la résolution des crises actuelles passent par la restauration des structures et des fonctionnements communautaires.

- Ayons garde d'oublier les peuples autochtones dont la compréhension de l'économie du vivant, en particulier des écosystèmes les plus complexes, est une grande source d'inspiration.
La profondeur philosophique de leur parole rejoint la pensée des écologistes d'hier et d'aujourd'hui (19).

Bien sûr, je ne cite pas tous ceux qui nous ont ouvert le chemin ou nous accompagnent (20).
D'autant que, si les marchandises les plus infâmes et les plus inutiles circulent dans tous les sens, l'histoire de la culture écologiste suisse, italienne ou espagnole n'est pas encore parvenue jusqu'ici ; alors, à grand peine celles du Japon, de la Chine ou de l'Inde !
Il reste encore beaucoup à faire pour retrouver toute notre mémoire et reconnaître les nôtres.

Donald Worster nomme "impérialiste" la culture structurée autour de l'idée de domination.
C'est très juste et très clair.
Pour la culture fondée sur la reconnaissance de l'économie associative de la nature, il propose de l'appeler "arcadienne" en référence à l'Arcadie, cette région de la Grèce antique dont on disait que là résidait le bonheur.
L'Arcadie est peu connue aujourd'hui et l'adjectif "arcadienne" est énigmatique pour la plupart.
J'ose lui préférer le vocable proposé par Ivan Illich au début des années 1970 et qui a connu un succès immédiat : convivialité.
"Culture conviviale" est, sans doute, la meilleure expression pour désigner nos références et nos projets, et être comprise de tous.

DOMINATION DE L'INCOMPETENCE

La meilleure connaissance de l'économie de la vie révèle clairement les orientations que doivent respecter les économies des sociétés humaines.
C'est sans surprise que l'on constate que celles-ci ne correspondent pas du tout aux orientations du productivisme qu'il soit "socialiste" ou capitaliste.
Et pour cause! Axée sur la matière, oublieuse des échanges de satisfactions de tous ordres, la vision impérialiste impose comme une évidence l'omniprésence de la rareté.
C'est cette perception amputée qui inspire et justifie les volontés dominatrices.
Il est sûr que, pour qui voit le monde sous la forme d'un gâteau à partager, la vie n'est qu'un long combat contre la menace du manque.
La boucle est bouclée.
Le matérialisme conduit à l'impérialisme et celui-ci crée la pénurie.

La bonne santé et, à fortiori, la survie de toute la biosphère implique qu'à chaque niveau d'organisation, à chaque ensemble organique ou communautaire correspondent des dynamiques de régulation suffisamment nombreuses et complexes pour traiter l'information générée par le niveau ou l'ensemble englobant, et s'adapter à tout changement.
C'est ainsi que se maintient la constance du milieu intérieur (Claude Bernard); autrement dit : c'est ainsi que l'homéostasie est réalisée.
Cette règle est nommée loi de la variété requise (21).
Cela semble une totale évidence et pourtant il reste à l'appliquer à l'économie-politique. On l'a vu, celle-ci est fermée sur elle-même, déconnectée des régulations des sociétés humaines et des écosystèmes.

Bouchée à l'émeri, autiste, l'économie impérialiste l'est forcément.
Tout projet dominateur refuse d'être irrigué par l'information provenant des niveaux de plus grande complexité, car celle-ci le remettrait entièrement en cause.
A l'inverse, pour échapper à tout contrôle et étendre son pouvoir, il n'a de cesse de s'efforcer de détruire cette complexité en défaisant les interrelations qui lui sont étrangères.
Pour cela, il s'approprie l'espace et sabote la circulation de l'information nécessaire au maintien et à l'évolution des formes sociales et écologiques.
Opposé aux dynamiques essentielles de la vie, le projet dominateur est incompétent par essence, on pourrait même dire: par vocation puisqu'il veut imposer sa loi aux niveaux qui l'englobent.
Quelle que soit la forme qu'il revêt, de ses manifestations les plus modestes aux stratégies de "libéralisation du marché mondial", de déstructuration en déstructuration, le projet dominateur accroît l'entropie contre laquelle la vie lutte depuis trois milliards et demi d'années.
Le nec plus ultra de l'idéologie néo-libérale qui est mis en avant par les grandes entreprises, les gouvernements, la Banque Mondiale, le FMI, l'OCDE, l'OMC (ex-Gatt)... n'est-il pas la dérégulation ?
La dérégulation pour les autres, cela va de soi, pas pour eux qui détournent les institutions et les fonds publics à tour de bras.

L'un des enseignements pratiques les plus importants de l'étude de l'économie de la vie est qu'il faut extirper toute velléité de domination et jeter à bas toutes les structures organisationnelles qui vivent repliées sur leur propre logique hiérarchique (22).
La vision politique de Thoreau, Kropotkine, Bookchin, Schumacher, Illich, Goldsmith et tant d'autres est confirmée chaque jour davantage.
L'écologie inspire la philosophie et la pratique libertaires (ou communautaristes).

L'OUVERTURE AUX AUTRES EST MON INTERET

On nous susurre inlassablement que sans le mince vernis d'une certaine culture tissée d'interdits et de bons sentiments, l'homme serait un loup pour l'homme.
Or, il en va tout autrement.
Le "vernis" en question n'est que le correctif toléré pour prévenir les dérives les plus immédiatement fâcheuses de la prédation brutale dont la culture impérialiste fait la promotion : "Chacun doit lutter contre tous pour se satisfaire et survivre".
A cette propagande démoralisante, tant l'histoire de la vie que l'égoïsme de "l'Unique" de Max Stirner opposent une tout autre logique (23).
Lavé de tous les conditionnements à la soumission et à la domination qui me font oublier mon propre intérêt, mon égoïsme redevient l'expression de mon corps.
Ce qu'il me dicte, alors, est la quintessence de l'expérience de l'évolution depuis les premiers frémissements de la vie dans les eaux originelles.
S'il est vrai que "ma seule raison d'être est le maintien de mon information-structure" (Laborit), cela ne me rend pas indifférent à ceux qui m'entourent.
Mon intérêt bien compris me commande, au minimum, de ne pas nuire aux autres car la frustration et le malheur que je créerais me seraient tôt ou tard retournés sous une forme qui me serait préjudiciable.
Ainsi, au contraire de la propriété exclusive et de la surconsommation, symboles de "réussite sociale", auxquelles m'encourage le système de la marchandise, mon égoïsme me dit de ne pas accaparer des espaces et des objets qui manqueraient à autrui.
C'est bien mon égoïsme -et non point un "altruisme" fondé sur une philosophie déconnectée du réel- qui m'incite à limiter ma prédation et me fait choisir la frugalité.

Je consens à m'entendre avec l'autre "pour que cet accord augmente ma force, pour que nos puissances réunies produisent plus que l'une d'elles ne pourrait faire" (Stirner) -et même plus que les deux ne pourraient faire séparément.
Sans qu'il rencontre de limite, mon égoïsme me relie à tous les égoïsmes qui ne sont pas déformés par la culture impérialiste.
Il me pousse à la solidarité, à l'échange, à l'entr'aide, car mon bien-être dépend du maintien de l'homéostasie (du maintien de la structure, de la santé) de tous les ensembles dont je fais partie, jusqu'à la biosphère et bien au delà.

Au-delà du seul souci de l'intégrité de mon être, l'ouverture sur la vie me révèle un insondable potentiel de relations intéressantes et de plaisirs subtils.
Car si les "biens matériels" s'épuisent en se partageant -surtout quand le partage est inégal!-, on comprend, au moins depuis Darwin et le principe de divergence, que la diversification, la création de nouvelles fonctions, l'invention de nouvelles relations, permettent d'éviter les conflits pour le partage des ressources, tout en construisant une communauté toujours plus complexe et agréable à vivre.
Bien mieux, à l'opposé des limitations matérialistes, le savoir et les idées, la musique, la convivialité, l'amour... s'enrichissent par l'échange et produisent des développements de plus en plus gratifiants.

La fusion entre culture conviviale et écologie ouvre la conscience.
Cette ouverture réduit les distances entre moi, les autres êtres et les ensembles qu'ils composent.
Même lointains dans l'espace et le temps, tous me sont proches et leur sort me concerne personnellement.
Il suffit que l'information circule entre eux et moi.
Et je suis friand de cette information.
La curiosité fondamentale de la vie qui est en moi me pousse à la rechercher pour inventer d'autres adaptations au monde en évolution, et trouver d'autres plaisirs.
Vie consciente d'être immergée dans la vie, je glisse avec confiance sur les ondes de la sympathie mutuelle et me nourris d'émotion et de beauté; enfin, j'essaye bien que l'époque soit des plus ingrates !
Mais que cela ne vous dissuade pas de poursuivre l'effort du changement culturel et comportemental.
Pensons à l'histoire du centième singe : quand nous serons assez nombreux, tout ira très vite (24).

Alain-Claude Galtié
Octobre - novembre 1993
remanié en juillet - août 1996




Notes

(1) "L'Homme est pour l'homme l'Etre suprême" Ludwig Feuerbach. "Si durant les temps dit féodaux nous recevions tout en fief de Dieu, la période libérale nous a mis dans le même état de vasselage vis à vis de l'Homme" Max Stirner: "L'Unique et sa propriété", Ed. Stock traduction Robert L. Leclaire, ou Ed. L'Age d'Homme traduction Pierre Gallissaire et André Sauge.

(2) Hubert Reeves, "L'Heure de s'enivrer", Ed. Seuil.

(3) Réalisée sous la direction de Sébastien Faure, l'Encyclopédie Anarchiste a été publiée en 1934.

(4) Il s'agit bien sûr de l'individualisme par le petit bout de la lorgnette, de l'individualisme du libéralisme, pas de l'individualisme relativiste qui n'exclut rien des interrelations avec les autres niveaux d'organisation.

(5) "Introduction à la philosophie écologique et politique de l'anarchisme" par John Clark, Atelier de création libertaire, BP 1186, 69202 LYON CEDEX.

(6) Jacques Grinevald et Roland de Miller ont permis que soit publié en France le livre de Donald Worster: "Les pionniers de l'écologie", Ed. Sang de la Terre.

(7) "Amiante et Appel de Heidelberg" par Henri Pezerat, Silence 185/186, janvier 1995.

(8) "La cécité absolue d'une bande d'autruches", article d'André Langaney paru dans Libération du 12.06.92 et Silence n 157.

(9) Pour les chanceux, voir le magazine américain Science de mars 1967, ou attendre la parution promise aux Editions Sang de la Terre sous le titre: "Les racines historiques de notre crise écologique".

(10) "La dialectique de la raison" de Max Horkheimer et Theodor Adorno, Gallimard. P ayot a également publié "Eclipse de la raison" de Max Horkheimer en 1974.
Horkheimer et Adorno animaient l'Ecole de philosophie de Francfort, "Le plus fécond laboratoire de sciences sociales du siècle" comme la présentait le cahier "Livres" de Libération du 13.05.93.
Walter Benjamin, Herbert Marcuse et Erich Fromm participaient à l'Ecole de Francfort.

(11) "L'entr'aide, un facteur de l'évolution" par Pierre Kropotkine (1897), Ed. Publico 1979.

(12) Henri Laborit:
"La nouvelle grille", Ed. R. Laffont 1974.
"Dieu ne joue pas aux dés", Ed. Grasset 1987.
Gregory Bateson:
"Vers une écologie de l'esprit" et "La nature et la pensée", Ed. Seuil

(13) "Demain la décroissance" par Nicholas Georgescu-Roegen, à paraître aux Ed. Sang de la Terre.
"Bioéconomie et biosphère" par Jacques Grinevald dans Silence n 164, avril 1993.

(14) Murray Bookchin :
"Pour une société écologique", Ed. Christian Bourgois 1976.
"Qu'est-ce que l'écologie sociale",
"Une société à refaire", Ed. Atelier de création libertaire, BP 1186, 69202 Lyon CEDEX 01.

(15) Ernst Friedrich Schumacher: "Small is beautiful", Ed. Seuil.

(16) Ivan Illich: "Energie et équité", "La convivialité", "Le genre vernaculaire", Ed. Seuil.
"Dans le miroir du passé", Ed. Descartes et Cie.

(17) "L'univers bactériel" par Lynn Margulis et Dorion Sagan, Ed. Albin Michel.

(18) "The Ecologist", abonnements : c/o Cissbury House, Furze View, Five Oaks Road, Shinfold, West Sussex RH13 7RH, Royaume Uni, "Le défi du XXIème siècle, une vision écologiste du monde", Ed. du Rocher, 1994.

(19) "Pieds nus sur la terre sacrée", textes d'Indiens d'Amérique du Nord recueillis pas Teri Mac Luhan, Ed. Denoël.

(20) Pour d'autres informations, se reporter à l'excellente étude de Donald Worster "Les pionniers de l'écologie", Ed. Sang de la Terre 1992.

(21) "Introduction à la cybernétique" par Ross Ashby, Ed. Dunod 1958.

(22) ... et d'abord chez les "alternatifs" où, paradoxalement, ces authentiques pathologies ne sont que mollement combattues.

(23) "L'Unique et sa propriété" par Max Stirner, Ed. Stock traduction Robert L. Leclaire (dont la préface est très éclairante), ou Ed. L'Age d'homme traduction Pierre Gallissaire et André Sauge.

(24) Dans une population à laquelle de la nourriture jetée était souillée par le sable, c'est quand le centième singe a réalisé, comme les quatre-vingt dix neuf précédents, qu'il était plus pratique et efficace de laver les aliments dans l'eau que de les frotter à sec, que tous les autres, d'un coup, ont suivi cet exemple.

Bibliographie complémentaire:

- John Clark: "Introduction à la philosophie écologique et politique de l'anarchisme", Atelier de création libertaire, BP 1186, 69202 LYON CEDEX.

- Bertrand de Jouvenel: "La civilisation de puissance", Ed. Fayard 1976.

- James Lovelock: "La Terre est un être vivant. L'hypothèse Gaïa", Ed. Le Rocher.

- Henry David Thoreau :
"Walden ou la vie dans les bois", Ed. Gallimard ou Ed. L'Age d'homme.
"La désobéissance civile", Ed. Climats 1992.

- Michel Serres: "Le Contrat naturel".

- "La technique et la science comme "idéologie" de Jürgen Habermas, Ed. Gallimard.

Le livre de Donald Worster a mis 15 ans pour traverser l'Atlantique. D'autres analyses passionnantes commencent, enfin, à nous parvenir :

- "Le principe responsabilité" de Hans Jonas, Ed. Cerf. Ce livre a attendu 11 ans avant d'être traduit en français.

- "Le progrès meurtrier" de Eugen Drewermann, Ed. Stock. Comme l'a fait Lynn White dès les années 60, le théologien allemand dénonce les racines culturelles (judéo-chrétiennes) de l'assujettissement aux mythes dominateurs destructeurs de toute vie.
Ce livre paraît chez nous 12 ans après sa sortie chez nos voisins d'outre-Rhin.

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